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Je crois ce que Jésus croyait


traduit par Raymond et Noëlle Stutz

13 juin 2005

En 2005, Philip Bell, biologiste britannique et membre de Answers in Genesis (maintenant PDG de Creation Ministries International pour le Royaume-Uni et l’Europe) est allé en Hongrie. M. Bell a donné une série de conférences sur la création et l’évolution, sujet (entre autres) si largement débattu. Le samedi après-midi, Philip a donné une interview aux lecteurs de Bible and Congregation, un magazine chrétien publié en Hongrie par l’Union biblique hongroise. Le magazine était représenté par Istvan Weber, sociologue.


Istvan Weber [IW] : Vous donnez des conférences convaincantes sur l’importance de la création. En quoi ce sujet est-il important pour vous?

Philip Bell [PB] : En fait, cela remonte à mes années d’université. J’ai été élevé dans une famille chrétienne qui m’a enseigné à croire à toute la Bible à partir du premier verset. J’ai défendu ce point de vue littéral de la création tout au long de l’école secondaire jusqu’à l’âge de seize ou dix-sept ans. J’avais vraiment la foi de mes parents; j’étais loyal envers eux. Mais quand j’ai étudié la biologie à un niveau plus avancé, à l’âge de dix-sept ans, j’ai été influencé par une professeure de biologie qui était chrétienne, une personne formidable, une grande enseignante de biologie. Elle m’a transmis un amour pour cette matière et m’a appris le point de vue de la théorie de l’évolution. La preuve qu’elle a fournie à ce moment-là me semblait tout à fait plausible. C’est ainsi que, sans vraiment réfléchir aux implications que cela pouvait avoir sur ma foi chrétienne, j’ai accepté de croire que Dieu a dû effectivement utiliser l’évolution. J’ai gobé l’idée selon laquelle la Bible nous dit pourquoi Dieu a créé, alors que la science viendrait combler le reste en nous disant comment il a procédé. Quand je suis arrivé à l’université, je croyais dans l’évolution et je m’attendais à trouver davantage de preuves en faveur de la théorie. Je n’étais cependant pas un sceptique, mais un véritable croyant en Dieu.

Deux choses se sont produites à l’université. Tout d’abord, ma foi est devenue une foi vivante, ayant vraiment compris la doctrine de la grâce. J’étais certain de mon salut, peut-être pour la première fois de ma vie. C’était vraiment extraordinaire de voir ma foi prendre vie. En même temps, j’examinais ce que j’apprenais en zoologie et en botanique et je me suis aperçu que l’on me demandait de croire certaines choses sans preuves à l’appui. Par exemple, je me souviens très bien qu’on m’a appris que les insectes sans ailes avaient évolué en insectes avec des ailes. Très bien, pensais-je : voyons-en la preuve. On ne m’a jamais montré un seul fossile d’une créature ayant eu des ailes partiellement formées qui était sur le point de devenir un insecte avec des ailes. Je me suis alors rendu compte avec étonnement qu’on acceptait cela vraiment “par la foi”! Puis on m’a dit que les mammifères terrestres avaient évolué en des créatures comme les baleines et les dauphins qui sont retournées dans l’océan. Encore une fois, je pensais que l’on allait me montrer quelques preuves, certains matériaux fossiles pour soutenir cette idée. On ne m’en a pas montré un seul. Avec un tel manque de preuves, j’ai sérieusement commencé à remettre en question les données biologiques avec toute la théorie qui a été construite autour d’elles. En même temps, à cause de ce qui se passait dans ma vie chrétienne, j’avais décidé de prendre du temps pour relire et approfondir soigneusement la Genèse et vraiment examiner ce que la Bible dit à propos de la création. Même si je l’avais lue plusieurs fois auparavant, j’ai alors compris qu’elle est écrite comme une histoire; c’est là que j’en ai vraiment pris conscience. J’ai aussi commencé à me rendre compte que ma façon d’aborder la Genèse affectait ma compréhension du reste de l’Écriture. Ce qui a été écrit comme une véritable histoire, je l’avais réinterprété en raison des opinions extérieures provenant de la science. Pourquoi n’ai-je pas fait cela avec la naissance virginale, avec la résurrection, avec les miracles de Jésus, marchant sur l’eau, transformant l’eau en vin, etc.? La science dira que ces choses ne peuvent avoir eu lieu, mais les chrétiens les croient par la foi. De la même manière, si je voulais être cohérent, je me suis dit que je devais accepter par la foi les miracles de la création et du déluge. En même temps, je luttais avec les données scientifiques. Je devais faire un choix.

Puis, la deuxième chose qui m’est arrivée est que j’ai décidé de rejeter la théorie de l’évolution, en partie à cause de l’absence de preuves scientifiques, mais aussi parce que je voyais qu’elle était en conflit direct avec l’enseignement de la Bible à propos de la création. J’ai alors éprouvé une énorme libération dans ma foi chrétienne à partir de ce moment-là. J’ai changé d’avis sur certains détails depuis, mais j’ai rejeté l’évolution comme explication des origines, et un peu plus tard, j’ai rejeté les millions d’années qui l’accompagnent. Cela a fait une grande différence dans ma foi chrétienne.

IW : Après votre témoignage personnel, je vous propose de continuer avec une question plus générale. Dieu se révèle de deux façons : dans la Bible et dans la nature. Nous croyons que les deux proviennent du même Dieu Créateur, bien que parfois il semble que les deux révélations entrent en contradiction. Beaucoup de chrétiens font un compromis et croient que l’autorité de la Bible est en opposition avec les résultats de la recherche scientifique. Comment abordez-vous cette question?

PB : Eh bien, l’une des façons d’aborder cette question est de regarder au Psaume 19. La première moitié du Psaume 19 traite de ce que nous pourrions appeler la révélation que Dieu donne de lui-même à travers la nature, à travers ce qu’il a fait, et la seconde traite de sa révélation par sa Parole. La différence entre ces deux révélations est celle-ci : alors que Dieu a fait un monde parfait à l’origine (qui aurait révélé son caractère à la perfection), Genèse 3 nous indique que cette révélation a été entachée et qu’elle est maintenant imparfaite. La nature recèle encore beaucoup de beautés, mais par définition, c’est une révélation imparfaite si on la compare à celle des Écritures qui est parfaite. Par conséquent, je crois qu’il est très dangereux pour les chrétiens d’essayer de placer la révélation générale de Dieu dans sa création au même niveau que sa révélation spéciale dans les Écritures. Certaines personnes ont même dit que la révélation de Dieu dans la nature était en quelque sorte le 67e livre de la Bible, ce qu’elle n’est assurément pas. Le danger est que nous commencions à lire nos opinions et nos idées dans la Bible. Une saine herméneutique nous conduit à utiliser des textes des Écritures pour éclairer d’autres textes des Écritures. C’est l’ensemble du conseil de Dieu : nous devons utiliser l’Écriture pour interpréter l’Écriture. Mais lorsqu’on commence à introduire dans la Bible des idées provenant d’autres sources, de la révélation générale si vous voulez, pour interpréter la révélation spéciale, nous utilisons la révélation imparfaite de la nature pour interpréter la Parole de Dieu parfaite. En faisant cela, nous aurons des problèmes. C’est ce qu’on appelle faire de “l’eiségèse”, c’est-à-dire lire mes propres opinions dans la Bible. Le problème avec cette approche est que mon esprit est déchu (car je suis le produit d’une création déchue) et que je suis en train de tomber dans le piège qui consiste à commencer à dire à Dieu ce qu’il aurait peut-être dû dire! La Bible dit d’elle-même qu’elle est la communication de Dieu à l’humanité, sa révélation à l’homme déchu. Nous devons laisser Dieu nous dire ce qu’il veut dire. Le point précis que toutes les positions de compromis ont en commun par rapport à la question de la création et de l’évolution est qu’elles ajoutent des millions d’années avant Genèse 3. Certains répartissent ces millions d’années à l’intérieur des jours de la création, d’autres les placent avant Genèse 1:2, c’est la “théorie de l’intervalle”, etc. Ces compromis “chrétiens” et d’autres encore ont en commun que “des millions d’années” sont associées à la mort des animaux avant le péché d’Adam. Ils placent la mort, le sang versé, la maladie et la souffrance avant le péché d’Adam, ce qui sape complètement l’enseignement catégorique de Romains 5 et de 1 Corinthiens 15. Car alors une autre historique de la mort devient la base de l’Évangile et détruit ainsi tout le fondement de l’Évangile chrétien.

IW : Pourquoi la création est-elle importante pour la foi chrétienne aujourd’hui?

PB : Les croyants devraient se caractériser par le fait qu’ils croient. Cela semble très simple, mais malheureusement, il faut le souligner parce qu’aujourd’hui, dans les milieux évangéliques, il y a beaucoup de croyants qui ne croient pas vraiment ce qui est écrit dans la Bible, en particulier dans la Genèse.

Par conséquent, étant donné que la Genèse est le fondement de toute doctrine chrétienne majeure de la théologie, soit directement soit indirectement, notre façon de la comprendre revêt une très grande importance. Par exemple, la Genèse est fondamentale pour la doctrine du mariage. Jésus lui-même, quand il s’est porté à la défense de la doctrine du mariage dans Matthieu 19:4–5 (et dans Marc 10:6), a cité Genèse 1:27 et Genèse 2:24. Jésus croyait donc dans la Genèse de manière littérale et c’est ainsi qu’il l’enseignait. Il n’a pas pris les chapitres 1 et 2 de la Genèse comme s’ils étaient deux récits contradictoires de la création. Il s’est porté à la défense de la doctrine du mariage en se fondant sur une compréhension littérale de la Genèse qui rapporte une histoire réelle. Les apôtres Paul et Pierre croyaient aussi que la Genèse devait être prise littéralement et l’ont enseignée dans son sens littéral. Tous les auteurs importants du Nouveau Testament avaient cette approche. Par conséquent, si je me dis disciple du Christ, je me dois certainement de croire ce que croyait et enseignait Jésus-Christ. Cela vaut aussi pour toutes les doctrines en lesquelles nous croyons, car leurs racines plongent profondément dans le livre de la Genèse, et elles ne peuvent être logiquement défendues que si la Genèse est une histoire réelle.

IW : Comment peut-on utiliser le récit de la création pour nous adresser à l’homme postmoderne?

PB : Je commencerai par expliquer comment je comprends personnellement ce qu’est cet homme postmoderne. Quelqu’un qui a une mentalité postchrétienne sait que la façon dont il vit représente un véritable rejet d’une norme qu’il comprend, mais qu’il a choisi de ne pas suivre. Il a peut-être rejeté le point de vue de ses parents ou d’une opinion répandue dans la société. Il comprend certaines choses que la Bible enseigne sur la morale.

Par contre, une personne postmoderne n’a pas conscience de cela parce qu’elle a grandi sans aucune compréhension ou connaissance de la Bible. Pour beaucoup de gens, le mot “Christ” n’est plus qu’un juron. Ils n’ont jamais fréquenté, par exemple, l’école du dimanche et ne savent donc rien au sujet de ces choses. Si un chrétien qui croit en la Bible veut aller vers les gens et avoir une influence dans le monde, s’il veut faire connaître sa foi chrétienne d’une manière pertinente, comment alors s’y prendra-t-il pour rejoindre les personnes postmodernes?

Tout d’abord, je pense que nous avons un parallèle intéressant dans le Nouveau Testament. Dans Actes 2, le jour de la Pentecôte, l’apôtre Pierre était debout, prêchant à des gens qui n’étaient pas postmodernes. Ils avaient une compréhension de la Bible. Ils étaient soit juifs soit prosélytes, c’est-à-dire des convertis au judaïsme. Ils croyaient que les Écritures sont la Parole de Dieu et ils avaient compris ce qu’est le péché; ils savaient que le péché avait son origine dans la rébellion d’Adam et qu’il avait conduit l’humanité à la mort. Par conséquent, lorsque Pierre a prêché la mort et la résurrection de Jésus-Christ, c’était une pierre d’achoppement pour certains d’entre eux (1 Corinthiens 1:23) qui croyaient que le fait de garder la loi leur assurait le salut. À cause de la prédication de la croix, ils ont compris, mais ont néanmoins trébuché sur elle! Beaucoup d’autres ont cependant répondu favorablement à ce qui avait été dit. Pierre leur a prêché l’Évangile et les résultats ont été grandioses : 3000 personnes ont été ajoutées à l’Église. Par contre, l’apôtre Paul à Athènes — à l’Aréopage, dans Actes 17 — s’est servi d’une approche très différente. Son auditoire était composé de philosophes païens. C’étaient des gens qui aimaient parler des dernières idées en vogue. C’étaient des philosophes épicuriens et stoïciens. Ces gens étaient fondamentalement évolutionnistes. Les stoïciens étaient panthéistes alors que les épicuriens croyaient que le but principal des hommes était de profiter des plaisirs sensuels. Les deux groupes avaient une philosophie évolutive : pour eux, la vie était apparue à partir de débuts communs étalés sur des millions d’années — ce qui n’est pas tellement différent des personnes postmodernes dans de nombreuses sociétés d’aujourd’hui!

Comment Paul est-il parvenu à les rejoindre? Il a cherché certains points de convergence avec leur culture. Il n’a pas commence par leur enseigner l’Évangile ou la mort et la résurrection du Christ. Il leur a plutôt dit ceci : “Ah, vous avez cet autel à un dieu inconnu”, pour ensuite ajouter que “ce dieu inconnu que vous adorez, je vais vous parler de lui”. Puis, Paul a dit en essence : “C’est un Dieu qui a fait toutes choses. Il n’habite pas dans des statues ou dans des temples que nous fabriquons avec nos mains. Il a créé toutes choses. Il a créé les êtres humains au commencement. Nous sommes tous issus d’un seul sang, nous descendons tous d’une seule et même source”, se référant à Adam et Ève (Actes 17:23–26). Ayant posé le fondement de la création, il aborde ensuite l’enseignement sur la croix et la résurrection du Christ. Nous lisons alors que quelques personnes seulement sont intéressées. “Nous t’entendrons là-dessus une autre fois”. Quelques personnes ont cru, mais seulement un petit nombre, une poignée. Je crois donc qu’il a eu de bons résultats (bien que limités) parce qu’il avait affaire à une société postmoderne. Il a dû faire beaucoup de pré-évangélisation, beaucoup de travail pour préparer le terrain. De même aujourd’hui, nous cherchons à rejoindre des gens qui ont une mentalité postmoderne. Ils ont la même science, les mêmes faits et les mêmes preuves dans le monde que toute autre personne. Nos arguments ne sont pas sur des faits, mais sur la façon dont nous voyons le monde. Ils comprennent le monde très différemment de nous.

Le point de convergence qui nous permettra de rejoindre la société ne sera pas, tout d’abord, de discuter de beaucoup de preuves intéressantes de la science, de la biologie, de l’astrophysique ou de toute autre chose, mais consistera à amener les gens à réfléchir à la raison pour laquelle nous croyons ce que nous croyons : il nous faut revenir à nos visions du monde respectives, pour montrer que nous avons tous des présupposés. Nous avons des préjugés découlant de nos croyances, en particulier nos croyances sur l’histoire passée que personne ne peut prouver, mais que nous présumons être vraies, des choses que nous croyons parce que nous les avons acceptées par la foi. Ce sont des choses qui nous ont été soit enseignées par quelqu’un d’autre ou que nous avons lues, ce que quelqu’un d’autre a écrit. Je dirais qu’en tant que chrétien je suis 100% partial parce que je reconnais que la Bible est la Parole révélée de Dieu. Cela signifie que j’ai une certaine façon de voir le monde. La personne qui croit que l’univers s’est créé lui-même, au moyen d’une évolution cosmique (un big bang, etc.), puis par une évolution géologique (la terre qui s’est refroidie il y a des milliards d’années), puis par une évolution chimique formant les premières cellules et ensuite par une évolution biologique pour former toute la vie des organismes complexes qui existent aujourd’hui, y compris les humains, cette personne a une vision du monde totalement différente. Nous avons tous les deux des croyances sur le passé. Nous ne pouvons pas prouver la création ou l’évolution, en fin de compte, car ce sont des croyances au sujet d’événements passés. La différence, je crois, est que le chrétien possède le témoignage d’un témoin oculaire, la Parole de Dieu, voilà comment je décrirais les choses à de telles personnes. Elles peuvent ne pas être d’accord, mais elles devraient comprendre pourquoi je pense de la façon dont je pense. Il faut préciser ensuite que nous pensons tous de façons différentes; nous examinons les mêmes données et en tirons des interprétations différentes. Une fois que nous avons établi cela, nous pouvons alors examiner les données et poser la question suivante : Est-ce que les données présentées par la science qui sont tirées du présent (parce que tout existe dans le présent!) correspondent au “modèle de la création” (si on peut l’appeler ainsi) ou correspondent-elles davantage au modèle de l’évolution? C’est la façon objective d’examiner cette question.