Explore
Also Available in:

Laisse partir mon peuple

L’activiste anti-esclavagiste William Wilberforce: un héros chrétien

par  
traduit par Paulin et Claire Bédard (Ressources chrétiennes)

Image Wikipedia William Wilberforce
William Wilberforce

L’année 2007 célébrait le bicentenaire d’un événement historique: le 25 mars 1807, le long combat de William Wilberforce en vue de mettre fin à l’esclavage a eu pour résultat la sanction royale de “l’Acte d’abolition de la traite des esclaves”. Cet acte abrogeait la pratique de l’achat et de la vente d’êtres humains dans tout l’Empire britannique. C’est après vingt ans de combats et de rejets répétés des projets de loi contre l’esclavage déposés au Parlement par Wilberforce que cet acte a été adopté.

Même Hollywood, qui est habituellement anti-chrétien, a commémoré ce moment historique dans le film Amazing Grace. Ce film raconte l’histoire de Wilberforce et de son mentor John Newton, cet esclavagiste devenu par la suite abolitionniste qui a composé l’hymne bien connu du même titre (“Grâce infinie”).1

Considérant toutes les attaques dirigées contre le christianisme, il est important de se rappeler le bien immense apporté par le christianisme lorsqu’il est véritablement mis en pratique. L’esclavage en est l’un des meilleurs exemples. Loin d’être une invention du monde chrétien occidental, c’est plutôt l’Occident chrétien qui l’a aboli.2

L’esclavage au long de l’histoire

Une scène tirée du film Amazing Grace, les Films Samuel Goldwyn film

L’économiste noir conservateur Thomas Sowell a fait remarquer que l’esclavage a existé un peu partout dans le monde durant la plus grande partie de son histoire.3 Et pour la plus grande partie de cette sombre histoire, la question raciale n’était pas au coeur du problème. La plupart des esclaves n’étaient pas d’une race différente de celle de leurs maîtres. Des Africains ont réduit à l’esclavage des Africains, des Asiatiques ont réduit à l’esclavage des Asiatiques, des Européens ont réduit à l’esclavage des Européens. En fait, les peuples slaves constituaient une source si prolifique d’esclaves pour l’Europe occidentale que le mot “esclave” (“slave” en anglais) dérive de “Slave”. Les Maures musulmans à peau foncée ont réduit à l’esclavage les “blancs” européens durant leur occupation de la péninsule ibérique (Espagne et Portugal) de 711 à 1492. Plus tard, à partir du seizième siècle, les États musulmans barbares de l’Afrique du Nord ont encouragé les pirates qui faisaient le commerce florissant d’esclaves blancs.

Wilberforce et le mouvement anti-esclavagiste

Wilberforce et sa lutte contre l’esclavage ont été documentés dans le récent livre Bury the Chains: Prophets and Rebels in the Fight to Free an Empire’s Slaves (“Enterrez les chaînes: Prophètes et rebelles dans la lutte pour libérer les esclaves d’un Empire”), par Adam Hochschild (2005). Le docteur Sowell résume cet ouvrage de la manière suivante dans une revue de livre:

“Le mouvement contre l’esclavage était mené par des gens que l’on appellerait aujourd’hui ‘la droite religieuse’ et son organisation a été créée par des hommes d’affaires conservateurs. De plus, c’est l’impérialisme occidental qui a détruit l’esclavage dans le monde non occidental. Rien n’est plus dérangeant et incompatible avec la vision des intellectuels d’aujourd’hui que le fait que ce soient des hommes d’affaires, des dirigeants religieux fervents et des impérialistes occidentaux qui ensemble ont éliminé l’esclavage dans le monde.”

En fait, Hochschild a démontré par ses recherches que le premier mouvement anti-esclavagiste a commencé à Londres en 1787 lors d’une rencontre de douze hommes profondément religieux, incluant Wilberforce.

Les motivations de Wilberforce ressortent très clairement dans son livre A Practical View of Christianity (“Une vision pratique du christianisme”) (1797). John Piper écrit ceci:

“Ce qui poussait Wilberforce à l’action était sa profonde allégeance biblique à ce qu’il appelait les “doctrines particulières” du christianisme. Celles-ci, disait-il, suscitent à leur tour de véritables affections — ce que nous pourrions appeler une ‘passion’ ou des ‘émotions’ — pour les choses spirituelles. Ces choses spirituelles, à leur tour, brisent le pouvoir de l’orgueil, de la cupidité et de la peur, conduisant ensuite à une moralité transformée qui, à son tour, conduit au bien politique de la nation. Il a dit: ‘Si un principe de la vraie religion (c’est-à-dire du vrai christianisme) venait à gagner du terrain, les effets sur la moralité publique et l’influence positive qui en découlerait sur l’état de notre politique pourraient dépasser de loin toutes nos estimations.’”4
Samuel Goldwyn Films Poster
UNE PUBLICITÉ DU FILM
Une affiche publicitaire de cinéma de la nouvelle production dit ceci: “Derrière le chant que vous aimez se trouve une histoire que vous n’oublierez jamais.

Wilberforce a dû lutter non seulement contre des rejets répétés, mais aussi contre une mauvaise santé. Cependant, non seulement a-t-il été à la tête du mouvement en faveur de l’abolition de l’esclavage, mais il a également oeuvré pour la réforme des hôpitaux et des prisons et il a préconisé des réformes positives en Inde et dans d’autres colonies. Il a également combattu la cruauté envers les animaux en fondant ce que nous appelons aujourd’hui la “Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux” (SPCA). Il n’est pas surprenant qu’on ait fini par le surnommer “la conscience du Parlement”.

Wilberforce n’a pas toujours été chrétien. En fait, il est né dans la classe privilégiée et cette culture, tout comme Hollywood aujourd’hui, aimait les jeux d’argent, les vêtements chics et dispendieux, les chevaux de course, l’alcool et la gloutonnerie. De plus, il avait rejeté la divinité de Jésus-Christ après avoir fréquenté une Église apostate, semblable aux Églises libérales d’aujourd’hui.

Wilberforce a cependant véritablement donné sa vie à Jésus-Christ en 1775. Il a voulu par la suite quitter le Parlement à cause de l’immoralité et des querelles internes qui y régnaient. Il a toutefois visité John Newton, bien connu pour son célèbre chant Amazing Grace. Newton avait lui-même été un marchand d’esclaves lorsqu’il était plus jeune, avant sa conversion à Jésus-Christ. Newton est celui qui a convaincu Wilberforce que c’est en restant au Parlement qu’il pouvait faire le plus de bien.

Après sa conversion, Newton a d’abord insisté pour dire que les esclaves devaient être traités humainement. Mais il a vite compris que, puisque les esclaves étaient créés eux aussi à l’image de Dieu, le commerce des esclaves était mal en soi et ne pouvait pas être humanisé. Il a abandonné ce commerce, est devenu ami des grands évangélistes George Whitefield (1714–1770), John Wesley (1703–1791) et son frère Charles (1707–1788), est devenu pasteur et a témoigné auprès du roi George III (1738–1820) des atrocités du commerce des esclaves.

John Wesley a joué un rôle déterminant dans la conversion de Wilberforce. C’est à Wilberforce que Wesley a écrit la dernière lettre de sa vie le 24 février 1791, dans laquelle il faisait l’éloge de son oeuvre abolitionniste, la comparant au combat héroïque d’Athanase (293–373) qui a défendu la doctrine biblique fondamentale de la pleine divinité de Jésus-Christ:

“À moins que la puissance divine ne vous ait établi pour être comme Athanasius contra mundum (Athanase contre le monde), je ne vois pas comment vous pourriez sortir indemne de votre glorieuse entreprise dans laquelle vous vous opposez à cette infamie exécrable, scandale de la religion, de l’Angleterre et de la nature humaine. Si Dieu ne vous a pas établi en vue de cette oeuvre précise, vous serez complètement exténué par l’opposition des hommes et des démons. Mais si Dieu est pour vous, qui sera contre vous? Sont-ils tous ensemble plus forts que Dieu? Ô, ne vous lassez pas de faire le bien! Allez de l’avant, au nom de Dieu et par la puissance de sa force, jusqu’à ce que même l’esclavage américain (le pire que le soleil n’ait jamais vu) en vienne à disparaître.”

Suites à l’acte d’abolition de la traite des esclaves

À vrai dire, l’Acte d’abolition de la traite des esclaves de 1807 n’a pas aboli l’esclavage, mais seulement le commerce des esclaves. La campagne de Wilberforce n’était donc pas terminée. Mais à partir du moment où cet acte est entré en vigueur, il a permis à la marine britannique de déclarer les navires transportant des esclaves équivalents à des bateaux de pirates, de les capturer pour libérer les esclaves et éventuellement d’exécuter l’équipage. C’est ce à quoi le docteur Sowell réfère lorsqu’il parle “d’impérialisme occidental”. Voilà aussi un exemple où “la moralité des uns est imposée aux autres”!

Heureusement, Wilberforce a vécu assez longtemps pour voir “l’Acte d’abolition de l’esclavage” passer au Parlement. Il était alors gravement malade, souffrant de la grippe, lorsque, le 26 juillet 1833, il a appris avec beaucoup de joie que cet acte était passé en dernière lecture à la Chambre des communes. Il est mort trois jours plus tard. Un mois plus tard, le Parlement adoptait l’acte.

L’enseignement biblique et ses applications

Nous ne devrions pas trop nous surprendre de ce que Wilberforce et ses alliés aient été si fermement engagés dans la foi chrétienne. En fait, l’opposition qu’ils ont menée trouve son fondement dans le récit de la création de la Genèse. Dieu a créé un homme et une femme à son image et a donné à l’humanité la domination sur le reste de la création, non sur les autres humains (Genèse 1:26–28). De plus, Galates 3:28 enseigne explicitement l’égalité fondamentale des êtres humains quant à leur nature.

Une scène tirée du film Amazing Grace, les Films Samuel Goldwyn Film
LA PÉTITION
Le film relate un événement où Wilberforce présente au parlement britannique une pétition soutenant l’abolition de l’esclavage.

Cette idée est appuyée par la loi mosaïque qui interdit explicitement l’enlèvement de personnes et leur vente comme esclaves: “Celui qui dérobera un homme et qui l’aura vendu ou retenu entre ses mains sera puni de mort.” (Exode 21:16). Bien entendu, Moïse est l’homme dont Dieu s’est servi pour délivrer miraculeusement le peuple d’Israël de l’esclavage en Égypte, délivrance commémorée par la grande célébration juive de la Pâque.

Dans la loi du Christ, l’apôtre Paul mentionne “les trafiquants d’esclaves” avec les meurtriers, les adultères, les débauchés, les menteurs et autres méchants (1 Timothée 1:10). Paul dit aux esclaves de devenir libres s’ils le peuvent (1 Corinthiens 7:21) et, à l’inverse, il dit aux hommes libres de ne pas devenir esclaves (1 Corinthiens 7:23). Dans un exemple qui le touchait personnellement, il a encouragé Philémon à libérer son esclave Onésime qui s’était enfui (Philémon 16). De plus, il a donné l’ordre aux maîtres de traiter leurs esclaves “de la même manière” qu’eux-mêmes étaient traités et de ne pas les menacer (Éphésiens 6:9).

La mise en pratique de ces principes ne peut que conduire à la fin de l’esclavage et cela, sans effusion de sang. C’est ce qui s’est réellement produit, comme le démontre de manière détaillée le livre de Rodney Stark, For the Glory of God (“Pour la gloire de Dieu”).5 Le chapitre 4 de son livre est consacré à démontrer la cohérence des enseignements de l’Église contre l’esclavage.

Les recherches de Stark lui ont permis de démontrer que, déjà au septième siècle, les chrétiens s’opposaient publiquement à l’esclavage. L’évêque et apologète Anselme (1033–1109) avait interdit de réduire à l’esclavage les chrétiens et, comme presque tout le monde était considéré au moins chrétien de nom, cette interdiction a pratiquement mis fin à l’esclavage en Europe. Stark dit ceci: “Le problème n’était pas que les dirigeants (de l’Église) étaient silencieux, mais que presque personne n’écoutait.”

La Bible est-elle en faveur de l’esclavage?

Une scène tirée du film Amazing Grace, les Films Samuel Goldwyn Film

La plupart des auteurs anti-chrétiens ne tiennent aucun compte des faits qui rendent un vibrant témoignage (voir le texte principal) à la puissante influence anti-esclavagiste du christianisme. Ils essaient au contraire de dépeindre la Bible comme si elle préconisait l’esclavage. Mais en faisant cela, ils se rendent coupables d’isoler grossièrement la Bible de son contexte. Ils parlent comme si le mot “esclave” dans la Bible se rapportait à la situation qui prévalait dans le sud des États-Unis avant la guerre civile. En fait, ce mot peut avoir plusieurs significations. Par exemple, selon la culture biblique, les membres du cabinet du Premier ministre seraient appelés ses “esclaves”. La forme d’esclavage qui existait dans le Nouveau Monde et qui vient à l’esprit de la plupart des gens était expressément défendue dans la Bible, parce qu’elle était la conséquence du kidnapping et parce que les esclaves convertis n’étaient pas libérés, contrairement par exemple à Philémon et Anselme (voir le texte principal).

Alors, pourquoi n’y a-t-il pas dans la Bible de commandement ordonnant la libération immédiate des esclaves? Parce que les commandements déjà mentionnés dans la Bible peuvent ébranler subtilement l’institution de l’esclavage beaucoup mieux qu’une révolte d’esclaves. Par exemple, l’interdiction du commerce des esclaves restreint considérablement l’esclavagisme. On peut comparer les applications des enseignements de Paul à l’issue tragique de la rébellion de Spartacus (vers 120-70 avant J.-C.). Dans les temps modernes, on peut aussi comparer les protestations pacifiques (fondées sur la Bible) de Martin Luther King aux actions du non-croyant révolutionnaire Malcolm X.

Que nous enseigne aujourd’hui le combat de Wilberforce?

Nous pouvons apprendre beaucoup de choses du combat de Wilberforce contre l’esclavage. Non seulement ce combat a-t-il duré pendant des décennies, mais en plus Wilberforce a dû affronter plusieurs des mêmes tactiques que celles utilisées aujourd’hui par ceux qui s’opposent aux chrétiens.

Une vision du monde anti-biblique

Comme il en a été fait mention dans Christianity on Trial (“Le christianisme au banc des accusés”)6, les philosophes païens tels qu’Aristote considéraient que certaines personnes étaient des esclaves naturels, et les philosophes du siècle des “lumières” qui étaient hostiles au christianisme, tels que Hume et Voltaire, croyaient à l’infériorité des personnes à peau noire. Ils ne pouvaient supporter la notion d’égalité de nature enseignée dans la Bible.

“Gardez la religion en dehors de la politique”

Voilà probablement le piège dans lequel les chrétiens peuvent tomber le plus fréquemment aujourd’hui. Mais Wilberforce a dû affronter exactement les mêmes attitudes. Par exemple, William Lamb, alias Lord Melbourne (1779–1848), un homme qui devait par la suite devenir Premier ministre du Royaume-Uni et un mentor de la reine Victoria (de même que l’éponyme de la deuxième ville en importance de l’Australie), a pontifié: “Il faut que les choses aillent bien mal pour que l’on permette à la religion d’envahir la vie publique.” Dans le même contexte, Willoughby Bertie, quatrième comte d’Abingdon (1740–1799), lança: “Faire preuve d’humanité est un sentiment privé, non un principe public sur lequel baser nos actions.”

Ainsi, lorsque des politiciens en faveur de l’avortement disent des choses grossières du genre: “Gardez vos rosaires loin de mes ovaires”, ils ne disent rien de nouveau. En réalité, des slogans faciles du genre “Vous n’aimez pas l’avortement? N’en ayez pas!” sont aussi immoraux que “Vous n’aimez pas l’esclavage? N’ayez pas d’esclaves!”

Le fait qu’aujourd’hui l’esclavage soit si communément considéré comme odieux n’est pas le résultat d’une sorte d’amélioration à la suite d’une évolution naturelle de la société, mais un héritage direct de l’Évangile du Christ, la force la plus puissante pour l’accomplissement du bien que le monde n’ait jamais connu.

Références et notes

  1. Voir la revue par Lita Sanders à <creation.com/amazing>, 16 mars 2007. Retour au texte
  2. Voir aussi Koukl, G., Christianity’s real record, <www.townhall.com/columnists/GregKoukl/2006/11/21/christianitys_real_record>, 21 novembre 2006, qui montre que les athées exagèrent souvent les atrocités commises par les chrétiens, ne tiennent aucun compte des très bonnes choses accomplies par les chrétiens pratiquant leur foi et ne tiennent aucun compte des bien plus grandes atrocités commises par les régimes athées. Retour au texte
  3. Sowell, T. Black Rednecks and White Liberals, le chapitre sur l’esclavage, Encounter Books San Francisco, 2005. Retour au texte
  4. Piper, J., Peculiar doctrines, public morals, and the political welfare: reflections on the life and labor of William Wilberforce, <www.desiringgod.org/ResourceLibrary/Biographies/1492_Peculiar_Doctrines_Public_Morals_and_the_Political_Welfare/>, 5 février 2002. Retour au texte
  5. Stark, R., For the glory of God: How monotheism led to reformations, science, witch-hunts and the end of slavery, Princeton University Press, 2003; voir aussi la revue de Williams A., The biblical origins of science, Journal of Creation, 18(2):49–52, 2004, <creation.com/stark>. Retour au texte
  6. Carroll, V. and Shiflett, D., Christianity on Trial: Arguments Against Antireligious Bigotry, Encounter Books, San Francisco, 2001; voir la revue de Hardaway, D. et Sarfati, J., Countering christophobia, Journal of Creation, 18(3):28–30, 2004; <creation.com/trial>. Retour au texte